Stéphane Mallarmé, Lettre à Eugène Lefébure, 27 mai 1867, Correspondance ; Lettres sur la poésie
« La musique, les états de félicité, la mythologie, les visages travaillés par le temps, certains crépuscules et certains lieux veulent nous dire quelque chose, ou nous l’ont dit, et nous n’aurions pas dû le laisser perdre, ou sont sur le point de le dire ; cette imminence d’une révélation, qui ne se produit pas, est peut-être le fait esthétique »
Jorge Luis Borges (1950)
Le texte ne « commente » pas les images.
Les images n' « illustrent » pas le texte:
chacune a été seulement pour moi le
départ d'une sorte de vacillement visuel,
analogue peut être à cette perte de sens
que le zen appelle un satori; texte et images,
dans leur entrelacs, veulent assurer la circulation,
l'échange de ces signifiants: le corps, le visage, l'écriture, et y lire le recul des signes.
Roland Barthes, L’empire des signes
« La solitude qui enveloppe les œuvres d'art est infinie, et il n'est rien qui permette de moins les atteindre que la critique. Seul l'amour peut les appréhender, les saisir et faire preuve de justesse à leur endroit. A chaque fois, dans toute discussion de ce genre, à l’égard de toute recension ou de toute introduction de cet ordre, donnez-vous raison, à vous, et à votre sentiment, et si toutefois vous devez avoir tort, c’est la croissance naturelle de votre vie intérieure qui lentement et avec le temps vous conduira vers d’autres conceptions. Conservez à vos jugements leur évolution propre, leur développement calme et sans perturbation, qui, comme tout progrès, doit avoir de profondes racines et n’être pressé par rien ni accéléré. Tout est d’abord mené à terme, puis mis au monde. Laisser s'épanouir toute impression et tout germe d'un sentiment au plus profond de soi, dans l'obscurité, dans l'ineffable, dans l'inconscient, dans cette région où notre propre entendement n'accède pas, attendre en toute humilité et patience l'heure où l'on accouchera d'une clarté neuve : c'est cela seulement qui est vivre en artiste, dans l'intelligence des choses comme dans la création. Le temps n’est plus alors une mesure appropriée, une année n’est pas un critère, et dix ans ne sont rien ; être artiste veut dire ne pas calculer, ne pas compter, mûrir tel un arbre qui ne presse pas sa sève, et qui, confiant, se dresse dans les tempêtes printanières sans craindre que l’été puisse ne pas venir. Or, il viendra pourtant. Mais il ne vient que pour ceux qui sont patients, qui vivent comme s’ils avaient l’éternité devant eux, si sereinement tranquille et vaste. C’est ce que j’apprends tous les jours, je l’apprends à travers des souffrances auxquelles je suis reconnaissant : tout est en l’occurrence affaire de patience. »
Rainer Maria Rilke, Lettres à un jeune poète
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